Les ascensions "artificielles" sont nées, que le guide et écrivain français Roger Frison-Roche définit comme : "déformation de la manière de monter en montagne, provoquée par le fait que tous les sommets importants ont été escaladés". La stratégie devient alors celle du siège himalayen, c'est-à-dire de véritables expéditions surchargées d'outils et d'artifices divers. Dans cette veine, Desmaison peut s'enorgueillir de l'ouverture de la voie Jean Couzy ou "française" sur la Cima Ovest di Lavaredo (avec P. Mazenaud), qui a coûté l'utilisation de 350 pitons, dont une trentaine de boulons à expansion.
Dans les années 1960, cependant, les défis changent, bien qu'il soit toujours parmi les participants à l'expédition pharaonique de la fleur de l'alpinisme transalpin lancée à la conquête du Jannu (7710m), aujourd'hui appelé Kumbhakarna, dans le massif du Kangchenjunga, une ascension extrêmement technique et rendue difficile par les conditions environnementales.
Les nouvelles frontières deviennent les ascensions solitaires et hivernales, bien qu'elles ne constituent pas en elles-mêmes des nouveautés conceptuelles. Ayant entrepris de défier le froid et la glace, Desmaison collectionne une série de premières ascensions exceptionnelles : à partir de 1960, la face nord-ouest du mont Olan, la face ouest du Petit Dru, le pylône central du Frêney avec Robert Flematty (une ascension qui deviendra symbolique par sa longueur, son altitude et son isolement), et enfin en 1968 le glacier du Linceul sur les Grandes Jorasses, abordé avant l'évolution actuelle du matériel glaciaire.
En 1966, première " cascade " de sa carrière : Desmaison, Mick Burke, Gary Hamming et d'autres sauvent deux alpinistes allemands bloqués sur la face ouest du Petit Dru. Les sauveteurs font face à de grandes difficultés amplifiées par le mauvais temps, mais ils atteignent leur but, humiliant en fait les sauveteurs officiels, qui avaient déployé une stratégie moins efficace. Un péché d'insubordination qui coûtera à Desmaison son exclusion de la Compagnie des Guides de Chamonix, avec toute une queue de polémique et des échanges publics d'accusations.
En février 1971, deuxième épisode clé de sa carrière : il part ouvrir une nouvelle voie sur l'éperon Walker des Grandes Jorasses avec le jeune Serge Gousseault, et rencontre de grandes difficultés qui retardent et compliquent l'ascension jusqu'à ce que son compagnon d'escalade soit complètement épuisé et meure après 11 jours sur la paroi. Une série de malentendus et de prises de bec ralentissent anormalement la machine de sauvetage. Desmaison n'ose pas abandonner son compagnon et est secouru alors qu'il est à bout de forces : il survivra par miracle. Inutile de souligner la tempête de polémiques qui s'ensuit.
L'année suivante, pourtant, Desmaison a déjà retrouvé toutes ses forces et le prouve en réalisant en solitaire l'intégralité de l'arête de Peuterey, la plus longue voie des Alpes. Enfin, en janvier 1973, il honore la mémoire de son défunt compagnon en réalisant l'exploit manqué de seulement quatre-vingts mètres, cette fois en compagnie de Michel Claret et Giorgio Bertone.
Le dernier combat de René Desmaison s'est achevé le 28 septembre 2007 à l'hôpital de la Timone à Marseille, où le grand alpiniste s'est éteint des suites d'une grave maladie qui l'affectait depuis quelque temps. Ses cendres, selon sa volonté, ont été dispersées sur le massif du Dévoluy, dans les Hautes-Alpes, où le célèbre alpiniste a vécu ses dernières années.